La présence militaire à Troyes, politique locale, opinion et armée au XIXème siècle.

Publié le par Christian Lambart

De prime abord, une présence se définit comme le fait d’être dans le lieu dont on parle : y avoir son domicile légal, participer au fonctionnement du système dans lequel on se trouve. Cette réalité ne s’affirme pas seulement intrinsèquement mais aussi extrinsèquement, dans un système cohérent auquel parfois on s’oppose. Dès lors, notre influence orientera positivement ou négativement le fonctionnement de l’endroit où l’on se situe. La présence est aussi l’expression d’une relation entre deux ou plusieurs partenaires. Celle qui nous concerne ici est le rayonnement d’un corps structuré participant à la vie locale de Troyes : l’armée.

 

De la Restauration à la République.

 

La période étudiée comprend la majeure partie du siècle. Elle se situe entre  l’invasion de 1814 à la Grande  Guerre.

La Restauration se situe entre traditions, révolutions et innovations. Ce régime qui tire sa légitimité de 8 siècles d’histoire se voit contraint à l’innovation par la Charte de 1814. Après 1815, l’ensemble de la société française est en crise. Le bilan démographique est lourd : un million et demi de morts de 1789 à 1815. Ce chiffre, sur 25 ans, n’est pas énorme si on le compare aux guerres modernes. Mais l’impact est réel du fait que 40% des hommes nés entre 1790 et 1795 ont été tués, sans parler du choc des dernières campagnes de l’Empire dont Troyes a payé le prix fort.

La vie politique française reste agitée sur le siècle. Pendant les années 1830, 1848 et 1870 les régimes politiques changent. Toutefois, les bourrasques politiques parisiennes n’affectent que très peu, ou, par contre coup, une vie provinciale assez terne. Seule l’invasion de 1870, en rappelant les mauvais souvenirs de 1814-1815, fait comprendre aux villes de Province leur solidarité avec l’ensemble du pays. C’est la IIIème  République qui va profiter de l’amélioration des moyens de communication, et achever, par l’instruction publique, l’intégration des communes de  Province à l’idée nationale.

L’œuvre municipale de la République  installe donc au cœur du pays le modèle républicain. La Mairie-Ecole devient le centre des villages français. Les villes de Province  apprennent à vivre les débats politiques à l’échelon local. L’élément militaire, en incarnant progressivement la Nation, va offrir un exemple de politique locale, intégrant structure,  fonctionnement et  confrontation  à l’opinion publique. L’enjeu est d’importance pour une municipalité qui ne semblait pas avoir une vocation militaire.

 

 

 

 

UNE VILLE INDUSTRIELLE ET L’ARMEE

 

 

Les régions militaires.

 

Pendant la période de la Restauration, à partir du 22 octobre 1817, la ville appartient à la 18ème région militaire, dont le chef lieu est Dijon. Elle perd le chef lieu de la subdivision qu’elle retrouve le 28 avril 1848, où elle devient le centre de la 5ème subdivision. Pendant la période impériale, la ville est intégrée à la 1ere division. On la place dans l’orbite parisienne avec toujours le commandement de la  5ème subdivision. La loi du 24 juillet 1873, relative à l’organisation générale de l’armée, divise le territoire en régions militaires et Troyes est la 7ème subdivision de la 6ème région militaire, dont le chef lieu est Châlons-sur-Marne. En 1898, le dédoublement de la 6ème région et la création du 20ème corps d’armée fait passer l’ensemble du département de l’Aube dans un nouvel ensemble militaire.

 

 

Une relation.

 

 

L’étude de la présence militaire dans une ville, qui n’a pas véritablement une tradition attachée à l’armée, peut sembler  surprenante. Troyes apparaît souvent comme «inutile » aux différentes visions stratégiques des états majors de 1815[1] à 1914. Même au temps des VIème  et XXème  régions militaires [2], alors que les zones proches de la frontière allemande sont marquées par une forte densité de soldats et d’unités, la ville de Troyes est difficilement une ville de garnison et reste une cité de l’Est sans forte présence militaire[3]. Alors que la France de l’Est est imprégnée par l’histoire militaire, que les nécropoles militaires et les lieux de bataille sont nombreux, Troyes fait figure d’exception, surtout si l’on évoque les noms de Valmy, Metz, Sedan et Verdun[4]. Il est donc difficile de la  comparer à Toulon, Brest mais aussi et surtout à Nancy, Metz et Verdun. Rien ne laisse supposer que Troyes est intéressante d’un point de vue militaire, d’autant que le choix initial d’utiliser les archives municipales comme base de la réflexion ne peut que laisser des doutes sur l’intérêt même du sujet de ce travail, c’est à dire de la relation entre l’opinion, la ville et l’armée.

Troyes, enfin, incite à penser au textile, à la bonneterie. Balzac lui-même s’en fait l’écho :

 

«Sans parler des manufactures de Reims, presque toute la bonneterie de France, commerce considérable, se fabrique autour de Troyes. La campagne, dans un rayon de dix lieues, est couverte d’ouvriers dont les métiers s’aperçoivent par les portes ouvertes quand on passe dans les villages[5] ».

 

La bonneterie est à la base de  l’industrialisation.  Celle-ci s’amorce au tournant des années 1840 et se précise à Troyes dans les années 1880. Cet aspect reste l’élément majeur de l’histoire troyenne du siècle. La modernité apparaît grâce au chemin de fer avec ses  gares, ses boulevards. L’armée n’apparaît, alors, que comme une petite tentative de diversifications des activités dans une ville tenue par les grands notables bonnetiers[6]. Le fait militaire est minime dans une ville qui grandit, se transforme, s’industrialise. Elle   évolue et se dérobe au regard de l’observateur qui tente de saisir la cité sur la période 1815-1914. Troyes se révèle une ville classique, une ville industrielle, mais certainement pas une ville militaire. Des risques limitent notre étude. Dans un premier temps, celui d’écrire une autre histoire  locale, souvent inévitable[7] puisque la dynamique interne est révélée par les archives municipales. De plus, en choisissant  l’armée comme objectif de notre dossier, il a d’abord fallu retrouver le peu de militaires de cette ville. En effet, nous  avons engagé une étude sur l’armée dans un lieu  où celle-ci n’a pas véritablement sa place et où le conseil municipal, intéressé  et volontaire, se heurte à la volonté des citoyens de ne pas payer[8] .

C’est ici qu’il nous faut trouver l’intérêt du phénomène militaire, car malgré tout, il y a des soldats à Troyes de 1815 à 1914. Enfin, on tente de transformer  Troyes en  ville de garnison. Des unités se sont installées, une infrastructure s’est dessinée progressivement et des régiments ont associé leurs noms à des quartiers, à des rues [9]. Sur la période, qui nous concerne, on constate que l’armée passe de l’utilisation de locaux laissés vacants (couvents, séminaire, remparts) à des lieux spécialisés (casernes, manutentions, magasins, champs de manœuvre, stand de tir). Une évolution militaire existe donc : son étude est de ce fait apparue pertinente.

L’armée, ni omniprésente, ni nécessaire, existe d’une manière simple, comme n’importe quelle actrice de la cité. C’est une structure autonome, qui lui est associée . Elle est souhaitée parce qu’elle présente un intérêt pour le commerce local, mais elle ne doit pas coûter trop cher.

Au-delà, c’est l’étude de l’armée dans une ville qui entre dans l’industrialisation. Est-il permis de penser que le développement de l’institution militaire est éloignée de l’évolution de la société urbaine et industrielle ? Le travail dans l’entreprise, avec le sens de la hiérarchie, l’obéissance, la discipline, les punitions et sanctions graduées, imite très largement le règlement militaire. Proudhon résume quant à lui le XIXème  siècle avec trois mots :  « Socialisme, militarisme, industrialisme » [10] Il n’est pas jusqu’à Cabet qui n’exalte la volonté militariste de la rue[11] .

Troyes est probablement un modèle plus répandu que Saint-Mihiel, étudiée par Gérard Canini[12]. La densité militaire et la localisation géographique sont différentes. Les structures militaires, la place de l’armée, la perception de l’opinion et le rapport avec l’économie urbaine ont bien moins de  force à Troyes, sans aller jusqu’à les qualifier de secondaires. De fait, on risque de trouver dans cette ville une situation comparable à des  cités provinciales comme Alençon[13],  qui ne sont ni des capitales régionales, ni des places fortes, ni des centres stratégiques importants. Troyes est donc représentative de la province dans sa relation avec l’armée. C’est pour cela que les problèmes posés de logement, de propriété du sol, d’hygiène, de conflits, de manifestations culturelles, d’organisation de l’espace existent à une échelle locale  et restent limités. Aucune nécessité stratégique nationale n’impose à la ville une rénovation urbaine comparable à Verdun, Saint-Mihiel, Nancy et autres places militaires. Rares sont les périodes où la ville est attrayante pour le ministère. Très souvent, les garnisons peuvent s’installer ailleurs, dans une région où les infrastructures ne manquent pas.

Il ne faut pas réduire l’importance du phénomène, car Troyes, souvent frustrée face à ses demandes de garnison, a bien compris l’intérêt de celle-ci. Le système militaire est secondaire car il ne répond pas à une nécessité économique fondamentale. Cependant, il ne faudrait pas conclure trop vite à l’absence et à l’insignifiance du fait militaire :  l’intérêt  qu’il suscite apparaît  visible à la lecture de la presse qui  montre l’opinion publique globalement favorable, malgré quelques réticences, pendant la construction des casernes.

 Le commerce local exprime toujours sa satisfaction face à l’arrivée de l’armée. Souvent, la garnison apporte un peu de mouvement dans la monotonie quotidienne. L’arrivée des conscrits, des réservistes, d’un régiment sont l’occasion de fêtes et de chahuts. Les cérémonies  officielles, surtout le 14 juillet, se parent d’un faste nécessaire et demandé par les autorités et les concitoyens. Des concerts publics, des fêtes comme la Sidi Brahim, sont des temps forts de la vie troyenne et les orchestres des régiments en garnison renforcent la vie culturelle : 

 

« Deux fois par semaine, le jeudi et le dimanche, la musique militaire y attire tout ce qu’il y a dans Troyes de fraîches toilettes, de petits pieds, de tailles élancées, de jolies tournures, de gracieux sourires [14]  »

 

 

La politique urbaine et le paysage  subissent des modifications. Du fait de la construction de casernes nouvelles, une autre géographie  se dessine. Alignements, pavages des rues, apport de l’électricité, de l’eau, de règles d’hygiène connaissent une accélération en raison des exigences de l’état-major. Les règlements de l’armée, lorsqu’ils sont soumis à l’autorité municipale, ont des effets sur le budget et ne sont pas sans provoquer des travaux de viabilisation et de modernisation que l’on n’aurait pas faits si l’armée ne  l’avait exigé.

 

Néanmoins, des inconvénients existent : le bruit, les rixes, les odeurs, les dégradations  vont très souvent inquiéter les habitants. La prostitution[15] apparaît au détour des consignes d’établissement, des interdictions à l’encontre des militaires de «boire avec les artistes ».

 

 

Un système et un fonctionnement.

 

Outre la relation établie entre l’armée et la cité, c’est un système urbain qui se présente à nous. L’armée va évidemment s’insérer dans celui-ci. Selon les époques, l’intégration se réalisera plus ou moins facilement. Là, interviennent les rapports entretenus par la municipalité avec le pouvoir central et son opinion publique. Il est vrai que la loi municipale du 4 mars 1884 fera du conseil municipal un lieu de vie et d’éducation politique de la démocratie.  Cela rendra les débats plus durs et plus virulents. L’obtention d’une garnison, la négociation de la convention feront toujours l’objet de débats passionnés. Jusqu’à 1884, seul l’Etat est un interlocuteur ; après cette date, l’opinion publique entre dans la discussion. Le maire devient le représentant de l’opinion et nos édiles locaux ont bien du mal à imposer des décisions concernant l’armée. Ils sont confrontés, d’une part, à la nécessité d’une décision,  de l’intérêt collectif de la ville et souvent de l’intégration de celle-ci dans la collectivité nationale. A l’époque de la Revanche, l’armée représente à la fois un intérêt financier, mais aussi une possibilité d’intégrer un projet national bien plus vaste.

Il est important de tenir compte de l’opinion publique. La façon dont elle perçoit le  phénomène militaire est primordiale. Hostile ou favorable, l’attitude des citoyens est le fruit d’une intégration plus ou moins bien réussie, des contacts, des liens, des intérêts, de l’importance de la structure et de sa fonction. Les difficultés apparaissant quand l’intérêt collectif de la nation ou de la commune ne correspond pas forcément à la somme des intérêts particuliers ou lorsque le poids des habitudes se heurte à une vision d’avenir.

C’est donc l’activité des militaires dans la ville et  ses conséquences sur les habitants que nous observerons à partir de la structure (caserne, garnison) et de la fonction de l’armée dans la cité. L’analyse des archives municipales restera la base de notre réflexion.

 

 

 

 

LE CHOIX DES ARCHIVES MUNICIPALES

 

 

Sans négliger les autres archives [16], nous avons délibérément orienté notre travail vers les archives de la ville de Troyes pour plusieurs raisons : le temps tout d’abord. La durée (de 3 à 5 ans) laissée à un homme isolé ne peut que donner des résultats limités et orienter le travail vers une microsociologie, voire à l’étude d’un fonctionnement, d’une relation entre deux systèmes.

L’autre raison est le lieu, les archives municipales de Troyes sont surprenantes. Placées au 4ème étage de la mairie, elles contrastent avec l’organisation remarquable des archives départementales.  Mal connues, elles sont  presque intactes. Aujourd’hui, un travail de classement a été entrepris par le responsable des archives ainsi que la rénovation par les services de la mairie[17] . Celles-ci permettent de mettre à jour le fonctionnement au niveau local, car la commune  est la «cellule de base de la vie politique[18] »

 

 

La mairie : Le premier échelon administratif civil.

 

La mairie est le siège d’une institution. C’est aussi le lieu du pouvoir le plus proche et le plus présent[19]. Sa position détermine le centre : à Troyes le cœur historique, autour de la cathédrale, a cédé la place à l’actuelle mairie et impose un nouveau centre ville. La mairie est aussi la base d’une double hiérarchie. Le conseil municipal et le maire administrent la ville sous l’autorité du préfet ou du sous préfet, mais ils représentent les habitants avec les conseillers généraux et les députés. Le pouvoir municipal est un enjeu politique de taille. Le pouvoir central tentera toujours un contrôle, mais à partir de 1831 une évolution est amorcée  avec l’élection du conseil municipal. L’histoire politique du pays évolue  parallèlement au pouvoir municipal[20]. Le siècle voit le maire et la mairie devenir le symbole de l’autorité et le pivot de la société civile. La symbolique se renforce par la proximité de l’institution et sa simplicité, tandis que le citoyen peut être dérouté par les institutions de l’Etat. L’échelon communal est plus facile d’accès. Pour compléter le propos, aux périodes troublées des années  1814-1815, 1830, 1848 et 1870-1871, le maire, ou son représentant, reste le seul pouvoir capable de réagir, alors que le pouvoir central est déstabilisé.

Les grandes affaires des délibérations du conseil municipal sont l’octroi, les collèges, le chemin de fer, le canal et,  dans une moindre mesure, l’armée. Néanmoins, la ville doit gérer un ensemble d’activités indispensables à l’armée. Pendant les guerres et occupations, le Maire affronte les réquisitions, les logements et les menaces du commandant en chef. Les périodes de paix ne sont pas plus calmes puisque la responsabilité du logement des soldats et du casernement repose sur la commune. Entretien et construction de caserne, alignement et chemins d’accès, fourniture de lits, mais aussi  champ de tirs et de manœuvres relèvent de la responsabilité du conseil municipal. Les besoins de l’armée doivent être compatibles avec les intérêts des citoyens. L’armée, c’est aussi l’octroi, les frais de casernement, la fourniture de l’eau, des clients pour le commerce local. Le citoyen qui paie l’impôt, veut des contreparties à ses dépenses. Le militaire peut assurer l’ordre public et soulager la Garde nationale. Sa fonction culturelle est appréciée : musique, fanfares et défilés sont nécessaires aux plaisirs du citoyen. Evidemment, les problèmes liés à la prostitution, aux rixes et bruit des clairons modèrent leur  enthousiasme.

 Les magistrats municipaux ne se substituent pas au préfet, ni même à l’état-major mais assument des tâches répétitives et ingrates. La commune, l’action d’un conseil municipal nous permettent d’appréhender un fonctionnement dans le quotidien. En effet, le premier et le dernier contact d’un  conscrit, d’un engagé se situent dans le bureau militaire de la mairie [21]. En clair, le jeune militaire commence sa carrière à la mairie et le vieux militaire vient y régler ses problèmes administratifs liés à sa retraite et à sa mise en disponibilité. C’est la mairie enfin qui gère la construction des casernes et perçoit les octrois liés à l’augmentation de la garnison. Après la loi du 27 juillet 1872, les opérations de recensement sont confiées aux Maires et ceux-ci  sont tenus d’assister au conseil de révision. Seul le maire peut confirmer l’identité d’un jeune homme, confirmer sa mutilation, défendre ses droits et réclamer des délais pour lui d’autant que c’est la mairie qui envoie sa convocation [22]. Il est capable de comprendre en quoi l’armée peut gêner ses administrés. Il connaît les zones de liberté intouchables que même le souci d’efficacité ne peut transgresser sous peine d’un rejet de l’opinion. On le perçoit lorsque la mairie dispense des citoyens du logement des gens de guerre. La mairie est donc l’interlocutrice de l’opinion, tout en restant un relais indispensable du pouvoir central.

L’échelon communal apparaît comme une interface entre le civil et le militaire. Les archives municipales nous restituent le dialogue permanent entre les civils, l’état-major et la garnison. Le conseil municipal est souvent interpellé pour régler les difficultés de cohabitation entre les militaires et les civils. Grâce à celles-ci, il est possible de percevoir la structure, la fonction et le fonctionnement de l’institution militaire dans la cité. Ainsi peut se concevoir l’analyse de la vie sociale à partir du premier niveau administratif.

 

 

Une histoire locale.

 

En nous efforçant d’éviter le manque d’originalité nous tenterons d’échapper au risque de retracer une nouvelle histoire locale.  Nous aborderons un fonctionnement où les hommes sont soumis à des pressions sociales lucratives  très fortes. Chaque institution défend ses membres et ses intérêts propres.  L’analyse des relations sociales, à l’occasion d’une monographie ne peut effacer la réalité du quotidien parfois banal mais tellement nécessaire. Cette réalité locale montre aussi  l’intérêt des liens qui peuvent se tisser entre les systèmes. Ils sont parfois loin des modèles. Ils obéissent à leurs logiques propres, sans pour autant se dissocier du schéma général. Ce travail n’appartient pas uniquement au domaine de l’histoire locale car inévitablement, et surtout pour l’armée, la mairie est tenue par des règlements généraux. Par ailleurs, il n’est pas inintéressant de voir comment les autorités locales perçoivent ces règlements[23].

Par le fait, un dialogue s’établit avec l’évolution générale du pays. Par exemple, l’armée a l’habitude de déplacer ses unités avant 1870.

Les difficultés existent. Il faut faire la distinction entre ce qui se décide en fonction des impératifs locaux et  ce qui est imposé par la pression du pouvoir central. Il est difficile, aussi, avec les sources municipales d’adopter une démarche purement quantitative. Il faut préciser, qu’en dehors des recensements et de l’Etat-civil, les sources municipales sont souvent des archives de fonctionnement, composées de calculs rapides souvent effectués sur place, et avec beaucoup de ratures, et probablement des erreurs. Enfin, incomplètes, elles conduisent l’analyse à des imperfections que quelques sondages aux archives départementales ne peuvent complètement combler. Le temps, il est vrai, m’a manqué pour analyser certains dossiers. De même, il était difficile pour des raisons identiques d’approfondir les archives parisiennes. Ces contraintes ont évidemment pesé sur les choix opérés, mais les archives municipales permettent une approche plus quotidienne du fonctionnement local et des relations entre les militaires et les civils. Les sources locales ont très largement induit ma problématique d’ensemble.  

 

 

Les archives municipales à Troyes.

 

La loi définit les archives comme :  « l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout service ou organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité[24] ». Cette définition induit une masse de documents que les mairies doivent gérer et surtout des aspects financiers. L’article L. 221-2 du code des communes prévoit un budget.

Dans la pratique, les archives municipales possèdent des documents appartenant à l’Etat (état-civil, cadastre) et conservent la mémoire interne de la vie administrative, du fonctionnement de la ville [25]et quelques dossiers constitués par les services municipaux. Plusieurs lois et instructions [26] réglementent le service des archives municipales, à savoir :

 

·         Lois, règlements et instructions concernant les archives communales, (loi du 29 avril 1924) édition 1926 et mise à jour en 1951.

·         Loi n° 79-10 du 3 janvier 1979 sur les archives.

·         Décret d’application n° 79-1037 du 3 décembre 1979.

·         Décret n°88-849 du 28 juillet 1988.

·         Code des communes, articles L317-1 à L317-6 et R317-2 à R317-5.

 

 

Ces lois et instructions définissent le classement et l’accès. Depuis 1945, chaque document d’archives possède un numéro d’ordre et une description du contenu dans un inventaire[27]. Ce dernier permet, dossier après dossier, registre après registre, de savoir ce qui est conservé dans les rayonnages. La forme doit rester simple.

L’accès est sous la responsabilité du maire qui garantit la libre consultation dans le cadre des délais légaux de communicabilité. Ceux-ci recoupent les délais des archives nationales et départementales. Les documents publics tels que délibérations, jugements, budgets, listes électorales, permis de construire sont accessibles immédiatement. Les autres documents attendront 30 ans d’une manière générale, et 60 ans pour ce qui a trait à la sûreté de l’Etat, la défense nationale et la vie privée. Il faut aussi 100 ans pour les affaires portées devant une juridiction, les registres d’Etat-civil , la vie familiale et le comportement privé (surtout les informations collectées à l’occasion des enquêtes statistiques). Autre exception, 120 ans sont nécessaires pour les dossiers des personnels, à partir de la date de naissance des individus concernés, et 150 ans pour les dossiers individuels comportant des renseignements à caractère médical. Un système de dérogation est possible sous la responsabilité du ministre de la culture.

 

 

Dans la pratique à Troyes

 

 

On est face à un rayonnage de 2000 m linéaires[28] concernant uniquement les dossiers postérieurs à 1789 [29]. Celui-ci est au dernier étage de la mairie[30]sous la responsabilité d’un agent[31] et d’un auxiliaire[32] . Le classement correspond à celui qui est défini dans la loi du 29 avril 1924, modifié en 1926 et 1951[33].  Pour mémoire nous rappellerons les cadres de classement utilisé :

 

 

·         Série A : Lois et actes du pouvoir central.

·         Série B : Actes de l’administration départementale.

·         Série C : Bibliothèque générale de la commune.

·         Série D : Administration générale de la commune.

·         Série E : Etat civil.

·         Série F : Population. Economie. Statistique.

·         Série G : Contributions. Administrations financières.

·         Série H : Affaires militaires.

·         Série I : Police. Hygiène. Justice.(classée maintenant en J)

·         Série K : Elections et personnel.

·         Série L : Finances de la commune.

·         Série M : Edifices communaux. Monuments et établissements publics.

·         Série N : Biens communaux. Terres, bois, eaux.

·         Série O : Travaux publics. Voiries. Moyens de transport. Régime des eaux.

·         Série P : Cultes.

·         Série Q : Assistance et prévoyance.

·         Série R : Instruction publique. Sciences, lettres et arts.

 

 

 

Nous proposons, à partir de ces archives, une analyse dont la finalité sera de dégager la construction d’une infrastructure militaire et de ses répercussions sur la politique locale. Celle-ci est souvent le reflet de l’opinion des 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article